
La première femme samba dans l’histoire récente du rara de Léogâne, dont la voix se trouve sur plusieurs chansons enregistrées en studio, franchit le cap de 15 ans d’expérience.
Le soleil est au zenith. Des vêtements usagés en vente suspendus à une petite corde, une cuvette contenant des outils de manucure et pédicure sur la galerie d’une vielle maison délabrée. ‘‘Oui’’ répond-elle, lorsqu’elle entend la voix de quelqu’un l’appelle par son nom d’artiste qui est Super Flore. Une voix qu’elle entendait à travers des notes vocales de la messagerie WhatsApp depuis la veille d’un entretien qu’elle aurait à lui donner. Elle voit ce visage pour la toute première fois. Portant un t-shirt rouge, un bluejeans déchiré, assise sur une chaise métallique sur la galerie de cette vieille maison, Marie Florence René traine derrière elle plus de dix ans de carrière de Samba dans le rara à Léogâne. ‘‘ Malgré la forte opposition de mes parents, j’entame ma carrière de samba dans le rara à Léogâne depuis 2009 ’’, dit-elle sur un ton confiant. La jeune femme commence sa carrière de samba dans la bande de La Fleur de Rose qui est l’une des bandes de rara les plus populaires de la Cité Anacaona. Madame René est aussi la première femme qui a endossé la carrière de samba dans le rara à Léogâne.
‘‘Ma voix se trouve sur de nombreuses chansons de rara enregistrées en studio et je me sens fière’’ argue-elle dans sa voix rauque. Elle se sent fière d’ȇtre pionnière en la matière. Cependant, tout ne se coule pas douce pour elle pendant sa carrière. Certaines expériences dans certaines bandes de rara ne lui rend pas si fière. ‘‘Certains dirigeants de bande ne manifestent aucun respect à mon égard. Pour moi, je pense qu’en raison je suis une fille’’, dit-elle. Elle dit faire l’objet de campagne de dénigrement à son encontre orchestrée par des envieux, des jaloux. Tout cela, selon elle, parce qu’elle est une femme. Super Flore a le regret d’avoir collaboré avec certaines bandes de la Cité Anacaona.
Quelques années après avoir fait le choix de devenir samba, elle réalise qu’elle mène une lutte, une lutte pour le droit des femmes. ‘‘Puisque les femmes haïtiennes sont réputées d’etre courageuses, je n’abandonne pas le combat malgré les on-dit’’, soutient René courageusement.
Super Flore n’envisage pas de mener toute une vie de samba dans le rara à Léogâne en dépit de son amour pour le rara. ‘‘Je suis sur le point d’abandonner le métier de samba’’, affirme-t-elle. Et également, selon elle, des changements doivent ȇtre opérés au niveau administratif dans les bandes de rara. Car elle trouve que les rôles sont inversés dans l’administration des bandes. ‘‘ Les fans deviennent les dirigeants et les dirigeants deviennent les fans’’, avance-t-elle. Cela, pour elle, représente une menace existentielle pour le rara de Léogâne.
‘‘Flore est une artiste très talentueuse’’, souligne le musicien et maestro de rara Chener Zamor. C’est le maestro qui a découvert son talent de samba et l’a initiée au métier de samba. ‘‘Je me souviens : Toro Belval était à la recherche d’un samba et je ne pouvais pas abandonner ma position de samba à La Fleur de Rose alors j’ai proposé une fille aux dirigeants de Toro Belva. C’était Flore’’. Chener Zamor a exprimé sa fierté d’être le premier a intégré une femme samba dans le rara à Léogâne. Super Flore de son côté n’a jamais raté l’occasion d’exprimer sa gratitude envers le maestro pour l’avoir initié à ce métier.
Selon Loriane Dessables, la coordonnatrice de Trait-Union, une organisation socio-professionnelle basée à Léogâne, depuis la deuxième moitié XXe siècle les femmes s’impliquent dans le rara. Mais, ‘‘les femmes n’impliquaient pas de manière active. Elles n’étaient pas au-devant de la scène.
Elles n’occupaient pas de postes décisionnelles dans les bandes de rara avant 1980. Et c’était donc une question de génération’’, ajoute-t-elle. Pour Madame Dessables, de nos jours, l’implication des femmes sont tellement forte dans le rara, il est impossible de parler du rara sans faire référence aux femmes. C’est grâce à elles que le rara prend une nouvelle expansion et se modernise. ‘‘ Il y a des femmes qui comprennent, maitrisent et ont une connaissance très approfondie sur le rara. Il y a des femmes samba dans le rara, on peut citer en exemple Super Flore’’, mentionne-t-elle.
Loriane Dessables souhaite voir les femmes impliquées dans le rara porter surtout des vêtements traditionnels. Des vêtements qui représentent l’expression de la culture nationale.
À la suite de Super Flore, près d’une vingtaine de jeunes filles ont pris le même chemin. Celui de s’imposer dans un environnement, l’animation sur scène dans le Rara, où la gente masculine domine.
« Ce travail est réalisé en collaboration avec le PACIT, grâce au financement de la Mission Inclusion (MI) et les Affaires mondiales Canada (AMC) »
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